Comment les ruses mises en œuvres notamment par Dubois parviennent-elles à surmonter les
obstacles économiques, sociaux mais aussi psychologique qui se dressent entre Dorante et
Araminte ?
Le XVIIIème siècle voit monter les tensions entre une bourgeoisie qui s’enrichit et une noblesse
qui s’accroche à ses privilèges. Le mariage est cependant la clé d’une certaine mixité entre les deux
états, la bourgeoisie faisant miroiter les dots de ses filles à des nobles désargentés. Pourtant, chez
Marivaux, le mariage est souvent moins affaire d’intérêt que la conséquence d’une surprise : le surprise
de l’amour, pour reprendre le titre d’une de ses autres pièces. Les Fausses Confidences, jouées pour la
première fois le 16 mars 1737, est la dernière comédie en trois actes de Marivaux, qui s’est remis au
roman peu de temps auparavant. Elle est jouée par les Comédiens-Italiens mais c’est une troupe
vieillissante qui compte moins sur des lazzi éblouissants que sur une intrigue complexe. Dorante est
éperdument amoureux de la jeune veuve Araminte, mais il est sans le sou. Il s’en remet donc à son
valet Dubois pour machiner un stratagème qui rendra possible leur union. J. Schérer écrit : « Il serait
inadmissible de se représenter Araminte comme une femme exclusivement dominée par ses sens.
Marivaux précise au contraire qu’Araminte est extrêmement raisonnable. Elle ne peut donc, ni ne veut
éviter les impératifs sociaux et se débat avec un problème qui lui apparaîtra de plus en plus
dramatique. ». Car, pour cet auteur, il est important de mettre en exergue les antagonismes de tous
ordres qui séparent les deux protagonistes de cette comédie. Nous nous demanderons donc comment
les ruses mises en œuvre notamment par le valet Dubois parviennent à lever les obstacles qui se lèvent
entre Dorante et Araminte. Nous étudierons d’abord ce qui entrave la relation entre Araminte et
Dorante, avant de voir quel rôle joue le stratagème imaginé par Dubois ; ce qui nous conduira à
considérer les autres manœuvres, qui, de manière paradoxale, servent les intérêts de l’intendant au cœur
tendre.
En premier lieu, nous verrons qu’il y a de nombreux obstacles différents auxquels les
protagonistes doivent s’affronter.
Tout d’abord, ils doivent surmonter la différence de richesse abyssale qui se trouve entre
Araminte et Dorante. Alors qu’il est issu d’une famille noble, Dorante s’est vu ruiné suite à la
banqueroute du système Law. Sa richesse est donc amplement inférieure à celle d’Araminte, et ceci
présente alors une barrière économique à franchir. En effet, c’est l’une des premiers soucis de Dorante :
« elle a plus de cinquante mille livres de rente, Dubois » (I,2). C’est d’ailleurs ce que Dubois rappelle
plus tard à Araminte : « S’il était dans une plus grande fortune, […] ce serait une autre affaire » (II,12).
L’idée derrière le plan de Dubois est non seulement d’aider Dorante avec ses affaires de cœur, mais en
même temps lui trouver un moyen de faire fortune.
L’argent, qui est aussi un des thèmes principaux de l’œuvre, se voit donc comme une entrave
pour le couple amoureux.
Ensuite, la différence du statut social joue aussi le rôle d’un obstacle contre les protagonistes.
Suite au ruine de Dorante, il s’est engagé comme intendant chez Araminte : il est donc son domestique.
A cette époque, l’idée d’un mariage entre un maître et son domestique est encore inimaginable. De
plus, Mme Argante, la mère d’Araminte, a des projets de noblesse pour elle et sa fille : elle veut marier
Araminte au Comte Dorimont. Ce qui l’attire le plus n’est pas l’amour, mais le titre qu’elle obtiendrait
si sa fille consentit au mariage : « je serai charmée moi-même d’être la mère de madame la comtesse