Le livre et la lecture par les temps.
Le livre est resté l’outil privilégié du savoir et de la culture depuis plus de mille ans . Cet objet
mythique, à la fois antique et futuriste, se renouvelle et reste moderne sans rompre avec son histoire. Il a pu
résister face à d’innombrables crises malgré les annonces répétées de sa mort. Sa naissance fait suite à
l’invention de l’écriture sous toutes ses formes et ses supports. Il semble évident que sans ces inscriptions,
qu’elles soient sur des stèles, sur le papyrus, le parchemin ou le papier, personne n’aurait pu faire revivre les
souvenirs des morts ou raconter leurs histoires. Le vers cité par Roger Chartier "y escucho con mis ojos a los
muertos" de Francisco de Quevedo à l’occasion de sa leçon inaugurale au Collège de France, y fait
référence. Or, ce vers n’aurait de sens que si nous pouvions vraiment, avec nos yeux d’aujourd’hui, lire et
comprendre l’histoire telle que les ancêtres nous l’ont transmise par l’intermédiaire des livres. Autrement
dit : il nous faut posséder le code de communication adéquat pour cette compréhension . C’est le système de
signes linguistiques qui permet de conserver, transmettre les savoirs et de représenter le passé.
Par ailleurs, la présence des écrans numériques dans notre vie quotidienne est devenue chose
normale. Ce constat nous conduit à nous poser la question suivante : cette présence va-t-elle susciter de
nouvelles modalités de lecture et d’écriture en modifiant nos anciennes pratiques ? Il paraît essentiel de
savoir où nous en sommes quant à ce fameux passage d’une société de l’imprimerie à une société
numérique. Ainsi, l’écriture et la lecture occuperont la grande part de notre réflexion en lien avec l’évolution
de l’écrit dans sa dimension historique que aussi bien que sur le plan formel, matériel et linguistique.
Dès lors , trois axes fondamentaux délimitent le cadre de cette étude . Une première partie qui nous
permettra d’analyser la métamorphose que connaissent les formes et pratiques de l’écriture et de la lecture.
Ensuite, nous aborderons la question de la dématérialisation de l’écrit qui semble être une composante
essentielle de la mutation qui s’opère dans les lieux publiques. Enfin , nous apporterons quelques exemples
sur l’influence des écrans sur l’évolution de la culture écrite.
Les mutations contemporaines de la culture écrite ne peuvent se comprendre ou s’expliquer qu’avec
une analyse approfondie de l’histoire de l’écriture. Ce retour sur les pratiques antiquaires de l’écriture à pour
but de montrer, en quoi le manuscrit d’autrefois diffère de la page web d’aujourd’hui. Or, ne peut pas
s’arrêter ici sur tous les détails de cette évolution, car il s’agit bien d’une histoire entière du livre qui se mêle
inséparablement avec l’histoire globale de humanité.
L’écriture en tant que geste humain, datant d’environ de 3300 av J-C, a connu d’énormes
mutations depuis les traces de style sur l’argile en Mésopotamie ( vers la IVe millénaire av. J-C) jusqu’à
l’emploi du stylet sur l’écran numérique, en passant par le calame sur le parchemin du moyen âge et le
poinçon sur papier après Gutenberg 1455. Cependant, il est intéressant d’analyser ces phases afin de mettre
en lumière les transformations qui les ont accompagnées. Il ne faut donc pas croire qu’il s’agit d’un passage
ordinaire du manuscrit vers l’édition imprimée, puis numérique, sans qu’il y ait de fortes influences sur la
position humaine du scribe ni sur le rôle intellectuel de l’auteur et par conséquence sur le livre lui-même
dans sa valeur économique et pragmatique : « Si pour l'écriture le passage de la trace à la forme entérine
, une première rupture corporelle (…), le passage au pixel traduit une rupture, plus fondamentale encore, à la
fois visuelle et conceptuelle. » ( Souchier Emmanuël. 1996).
Le changement est radical, il comprend en sus de la posture corporelle, le matériel d’écriture, les
supports, le langage, le mode d’édition, la disposition, le prix… et bien d’autres aspects du circuit du livre.
En outre, chacune de ces transitions modifie les rapports de pouvoir et d’autorité entre les acteurs du métier
. « L’auteur, censé être à l’origine du texte, n’est pas le seul à intervenir » : explique Alain Riffaud, dans les
textes qu’il a réunis sous le nom de L’écrivain Et L’imprimeur, en faisant référence aux contraintes
matérielles de l’écriture et de l’édition.
Enfin, de nos jours, le texte devient désacralisé, dans sa version numérique, Il est infiniment
modifiable, corrigeable et peut être sauvegardé facilement. Le métier d’écrivain s’est simplifié par apport
aux normes anciennes qui sont des rituels et traditions du domaine. En effet, l’auteur du web peut lui-même
faire toutes les tâches rédactionnelles et éditoriales. Citons parmi les conséquences de la profanation et la
surabondance textuelle, l’apparition rapide d’une presse amateur de bloggeurs et d’internautes. On voit
même les professionnels de la presse les plus respectés se convertir vers la rédaction web, des sites comme le
monde.fr et le figaro.fr ont atteint rapidement les têtes des classements pour le lectorat. L’accès à l’écriture
s’est donc démocratisé avec le numérique, en va-t-il de même pour la lecture ?
Il est d’une logique imparable que les variations des techniques d’écriture des textes, entraînent
simultanément des mutations sur le plan des méthodes de lectures. Ainsi, depuis l’époque des Grecs et des
Romains, les pratiques de lecture ont continué à subir des transformations considérables : de la lecture
récréative à la lecture normative (scolaire, religieuse) , d’une lecture oralisée à une lecture murmurée puis
silencieuse…
La lecture connaît ensuite trois phases de révolutions selon Guglielmo Cavallo : La première apparaît
avec l’arrivée des caractères mobiles et l’imprimerie mais ne marque pas une grande différence avec les
modalités antérieures. La deuxième, marquée par le passage de la lecture intensive à la lecture extensive à
l’âge moderne.
Pour la dernière révolution, celle de la lecture sur écran, R. Chartier évoque dans son livre :les
mains de l’auteur et l’esprit de l’imprimeur: « une relation nouvelle, mieux informée et plus critique, entre le
lecteur et le texte » .Le lecteur numérique contrôle désormais la mise en page et le découpage du texte qui
étaient avant réservés à l’auteur ou à l’éditeur, il peut même annoter, copier, recomposer un nouveau texte à
partir de fragments différents, ainsi on conclu : « le lecteur devient coauteur ».
Or, l’efficacité de la lecture sur l’écran se trouve aussi discutée. Selon Armando Petrucci la culture
audio visuelle a inculqué la pratique du zapping : « Cette pratique médiatique de plus en plus répandue est
exactement le contraire de la lecture entendue dans son sens traditionnel ». Cela revient peut être au fait
que les textes sur écrans sont segmentés et donc la lecture est non linaire, certains la rapprochent d’une
lecture transversale ou cavalière discontinue : « tantôt lente, tantôt rapide, qui est celle des lecteurs
déculturés » Lectures numériques, Gérard Mauger, Paul, Gaudric... Il y a de quoi constater que ces aspects
ne sont pas spécifiques à l’ère numérique comme le dit R. Chartier qui compare ce zapping au survol du
Le livre est resté l’outil privilégié du savoir et de la culture depuis plus de mille ans . Cet objet
mythique, à la fois antique et futuriste, se renouvelle et reste moderne sans rompre avec son histoire. Il a pu
résister face à d’innombrables crises malgré les annonces répétées de sa mort. Sa naissance fait suite à
l’invention de l’écriture sous toutes ses formes et ses supports. Il semble évident que sans ces inscriptions,
qu’elles soient sur des stèles, sur le papyrus, le parchemin ou le papier, personne n’aurait pu faire revivre les
souvenirs des morts ou raconter leurs histoires. Le vers cité par Roger Chartier "y escucho con mis ojos a los
muertos" de Francisco de Quevedo à l’occasion de sa leçon inaugurale au Collège de France, y fait
référence. Or, ce vers n’aurait de sens que si nous pouvions vraiment, avec nos yeux d’aujourd’hui, lire et
comprendre l’histoire telle que les ancêtres nous l’ont transmise par l’intermédiaire des livres. Autrement
dit : il nous faut posséder le code de communication adéquat pour cette compréhension . C’est le système de
signes linguistiques qui permet de conserver, transmettre les savoirs et de représenter le passé.
Par ailleurs, la présence des écrans numériques dans notre vie quotidienne est devenue chose
normale. Ce constat nous conduit à nous poser la question suivante : cette présence va-t-elle susciter de
nouvelles modalités de lecture et d’écriture en modifiant nos anciennes pratiques ? Il paraît essentiel de
savoir où nous en sommes quant à ce fameux passage d’une société de l’imprimerie à une société
numérique. Ainsi, l’écriture et la lecture occuperont la grande part de notre réflexion en lien avec l’évolution
de l’écrit dans sa dimension historique que aussi bien que sur le plan formel, matériel et linguistique.
Dès lors , trois axes fondamentaux délimitent le cadre de cette étude . Une première partie qui nous
permettra d’analyser la métamorphose que connaissent les formes et pratiques de l’écriture et de la lecture.
Ensuite, nous aborderons la question de la dématérialisation de l’écrit qui semble être une composante
essentielle de la mutation qui s’opère dans les lieux publiques. Enfin , nous apporterons quelques exemples
sur l’influence des écrans sur l’évolution de la culture écrite.
Les mutations contemporaines de la culture écrite ne peuvent se comprendre ou s’expliquer qu’avec
une analyse approfondie de l’histoire de l’écriture. Ce retour sur les pratiques antiquaires de l’écriture à pour
but de montrer, en quoi le manuscrit d’autrefois diffère de la page web d’aujourd’hui. Or, ne peut pas
s’arrêter ici sur tous les détails de cette évolution, car il s’agit bien d’une histoire entière du livre qui se mêle
inséparablement avec l’histoire globale de humanité.
L’écriture en tant que geste humain, datant d’environ de 3300 av J-C, a connu d’énormes
mutations depuis les traces de style sur l’argile en Mésopotamie ( vers la IVe millénaire av. J-C) jusqu’à
l’emploi du stylet sur l’écran numérique, en passant par le calame sur le parchemin du moyen âge et le
poinçon sur papier après Gutenberg 1455. Cependant, il est intéressant d’analyser ces phases afin de mettre
en lumière les transformations qui les ont accompagnées. Il ne faut donc pas croire qu’il s’agit d’un passage
ordinaire du manuscrit vers l’édition imprimée, puis numérique, sans qu’il y ait de fortes influences sur la
position humaine du scribe ni sur le rôle intellectuel de l’auteur et par conséquence sur le livre lui-même
dans sa valeur économique et pragmatique : « Si pour l'écriture le passage de la trace à la forme entérine
, une première rupture corporelle (…), le passage au pixel traduit une rupture, plus fondamentale encore, à la
fois visuelle et conceptuelle. » ( Souchier Emmanuël. 1996).
Le changement est radical, il comprend en sus de la posture corporelle, le matériel d’écriture, les
supports, le langage, le mode d’édition, la disposition, le prix… et bien d’autres aspects du circuit du livre.
En outre, chacune de ces transitions modifie les rapports de pouvoir et d’autorité entre les acteurs du métier
. « L’auteur, censé être à l’origine du texte, n’est pas le seul à intervenir » : explique Alain Riffaud, dans les
textes qu’il a réunis sous le nom de L’écrivain Et L’imprimeur, en faisant référence aux contraintes
matérielles de l’écriture et de l’édition.
Enfin, de nos jours, le texte devient désacralisé, dans sa version numérique, Il est infiniment
modifiable, corrigeable et peut être sauvegardé facilement. Le métier d’écrivain s’est simplifié par apport
aux normes anciennes qui sont des rituels et traditions du domaine. En effet, l’auteur du web peut lui-même
faire toutes les tâches rédactionnelles et éditoriales. Citons parmi les conséquences de la profanation et la
surabondance textuelle, l’apparition rapide d’une presse amateur de bloggeurs et d’internautes. On voit
même les professionnels de la presse les plus respectés se convertir vers la rédaction web, des sites comme le
monde.fr et le figaro.fr ont atteint rapidement les têtes des classements pour le lectorat. L’accès à l’écriture
s’est donc démocratisé avec le numérique, en va-t-il de même pour la lecture ?
Il est d’une logique imparable que les variations des techniques d’écriture des textes, entraînent
simultanément des mutations sur le plan des méthodes de lectures. Ainsi, depuis l’époque des Grecs et des
Romains, les pratiques de lecture ont continué à subir des transformations considérables : de la lecture
récréative à la lecture normative (scolaire, religieuse) , d’une lecture oralisée à une lecture murmurée puis
silencieuse…
La lecture connaît ensuite trois phases de révolutions selon Guglielmo Cavallo : La première apparaît
avec l’arrivée des caractères mobiles et l’imprimerie mais ne marque pas une grande différence avec les
modalités antérieures. La deuxième, marquée par le passage de la lecture intensive à la lecture extensive à
l’âge moderne.
Pour la dernière révolution, celle de la lecture sur écran, R. Chartier évoque dans son livre :les
mains de l’auteur et l’esprit de l’imprimeur: « une relation nouvelle, mieux informée et plus critique, entre le
lecteur et le texte » .Le lecteur numérique contrôle désormais la mise en page et le découpage du texte qui
étaient avant réservés à l’auteur ou à l’éditeur, il peut même annoter, copier, recomposer un nouveau texte à
partir de fragments différents, ainsi on conclu : « le lecteur devient coauteur ».
Or, l’efficacité de la lecture sur l’écran se trouve aussi discutée. Selon Armando Petrucci la culture
audio visuelle a inculqué la pratique du zapping : « Cette pratique médiatique de plus en plus répandue est
exactement le contraire de la lecture entendue dans son sens traditionnel ». Cela revient peut être au fait
que les textes sur écrans sont segmentés et donc la lecture est non linaire, certains la rapprochent d’une
lecture transversale ou cavalière discontinue : « tantôt lente, tantôt rapide, qui est celle des lecteurs
déculturés » Lectures numériques, Gérard Mauger, Paul, Gaudric... Il y a de quoi constater que ces aspects
ne sont pas spécifiques à l’ère numérique comme le dit R. Chartier qui compare ce zapping au survol du
