Produire et diffuser des connaissances
La notion de « société de la connaissance » : portée et débats
Dans l'après-guerre émerge l'idée d'une société de la connaissance, qui témoigne de la prise de conscience des enjeux
stratégiques du savoir par les États, mais dont la réalité fait encore débat.
I Une société qui se recentre sur la connaissance
1- De la société de l'information…
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les progrès des technologies de l'information et de la
communication (TIC) à bas coût marquent la fin de la société industrielle et ouvrent l'ère de la société de
l'information.
Les progrès des TIC permettent une amplification des connaissances scientifiques dont on pense qu'elles apporteront
un bénéfice général à la société. Mais la technologie n'est qu'un moyen, elle ne produit pas de la connaissance par elle-
même.
2- … à l'économie du savoir
En 1969, le professeur américain Peter Drucker énonce le concept de société de la connaissance (knowledge society).
Fondée sur l'éducation de masse comme condition essentielle à une société nouvelle, elle se caractérise par la diffusion
de technologies de l'information capables d'agréger les savoirs (bases de données informatiques puis Internet), et place
la connaissance au cœur d'une économie du savoir.
Mot clé
Le terme anglais knowledge se traduit par connaissance, contenu assimilé extérieur au sujet, ou par savoir, aptitude qui
s'acquiert par l'étude ou l'expérience. Un savoir est une connaissance qui a fait l'objet d'une appropriation.
La connaissance deviendrait le capital central des entreprises au détriment du capital matériel ; l'employé typique
serait le « travailleur de la connaissance » (knowledge worker), « cerveau-d'œuvre » plus que main-d'œuvre. L'école et
les universités deviennent dans cette analyse les lieux privilégiés d'une politique de la connaissance, mais doivent se
réformer pour gagner en productivité et efficacité.
INFO
Peter Drucker (1909-2005)
Professeur de management, Peter Drucker publie en 1969 The Age of Discontinuity, qui
connaît un énorme succès. Il y promeut la connaissance, amplifiée par l'information,
comme ressource essentielle à valoriser.
II Le savoir, un capital à cultiver et protéger
1- Le savoir comme source de croissance économique
Étudiants et chercheurs sont un capital que les États cherchent à capter (brain drain) et dont ils n'hésitent pas à voler
les résultats (espionnage industriel).
Internet efface les frontières de l'espace et du temps, et remet en question le rôle historique des États dans la
production et la diffusion du savoir, remplacé par celui des firmes transnationales (FTN). La connaissance reste un
important enjeu de pouvoir tant au niveau national qu'international.
Le stockage et l'analyse de l'immense masse d'informations requièrent aujourd'hui des systèmes informatiques mis en
réseau (le cyberespace), indispensables au maintien de la compétitivité.
2- Le savoir, un capital comme les autres ?
Ce modèle fait aujourd'hui débat : dans une telle société, fruit d'une vision managériale, que deviennent ceux qui ont
moins facilement accès à la connaissance, et notamment au savoir dominant, essentiellement occidental ? Les exclus
d'Internet (zones blanches), la circulation exponentielle de la désinformation, l'inégalité de l'accès au savoir imposent
la nuance.
Dans cette dimension utilitariste de la connaissance, le savoir est instrumentalisé : la formation remplace l'instruction,
la connaissance est réduite à sa fonction économique où ne sont valorisés que les savoirs réputés utiles. Dans ce
contexte, la recherche n'est plus tournée que vers l'innovation industrielle.
, Communautés savantes et communautés scientifiques
Loin de l'érudit terré dans son laboratoire, le chercheur construit la connaissance scientifique au sein d'une
communauté, plus que jamais stratégique.
I La communauté, socle de la connaissance scientifique
1- La communauté scientifique, garante de la validité du savoir
La construction de la connaissance scientifique exige de se référer à des pairs qui légitiment les travaux de recherche
par leur évaluation au sein de comités de lecture lors de leur communication.
Les chercheurs ont donc besoin d'une communauté scientifique, ensemble des savants experts dans leur domaine,
pour enrichir leur champ de recherche, notamment par la confrontation des regards et la controverse.
La communauté savante associe les experts aux amateurs : la population se forme grâce aux scientifiques mais a
également un rôle de construction et de diffusion du savoir.
2- Communautés scientifiques et savantes dans l'histoire
Les communautés de scientifiques sont liées à l'essor des sciences dès l'Antiquité. À Alexandrie au IIIe siècle av. J.-C.,
Ptolémée Ier fait construire un Musée pour réunir les meilleurs chercheurs. À Bagdad au IX e siècle, ils sont réunis par
le calife Al-Mamun dans la Maison de la Sagesse pour échanger leurs savoirs et leur permettre d'accéder aux livres
traduits, notamment du grec.
Mais plus la recherche se spécialise, à partir du XVII e siècle, plus une communauté savante émerge pour faciliter
la diffusion des connaissances entre institutions (académies, universités) et lieux de savoir (laboratoires), entre grands
centres mondiaux et nouveaux pôles scientifiques.
L'État assure un rôle primordial pour la communauté scientifique, par son financement, sa protection ou son contrôle.
Selon les époques et les régimes, il favorise plus ou moins la science ou la censure. Le rôle des communautés de
savants est également d'aider les scientifiques à échapper aux pressions, à l'image d'une République des Lettres.
Mot clé
Dans l'Italie du XVe siècle naît la République des Lettres, idéal de collaboration libre et désintéressée entre érudits
engagés dans l'échange de savoirs, qui permettait aux savants d'échapper, au moins en théorie, au contrôle de l'Église.
II Enjeux et défis de la communauté scientifique
1- Une communauté entre coopération et concurrence
La recherche est tiraillée entre un idéal de partage universel du savoir et les ambitions des chercheurs, de leurs
laboratoires et des États qui les financent, créant de la concurrence.
La production de connaissance est parfois source de conflits entre États (guerres des brevets, récupération des
compétences), y compris au prix d'espionnage scientifique et industriel.
2- Les nouveaux défis de la communauté scientifique
Les savoirs scientifiques sont au cœur de la hiérarchie économique et politique des États, notamment par leur poids
dans la richesse des pays. La mondialisation renforce l'âpreté de la compétition internationale, notamment entre les
pays développés ou avec les pays émergents qui les défient.
La société de la connaissance place la science au cœur des intérêts : émancipée du pouvoir religieux et politique, celle-
ci risque de retomber sous l'influence du pouvoir économique. Le défi est donc de réfléchir au rôle et aux
responsabilités de la communauté scientifique et à son indépendance.
La communauté scientifique étend son réseau dans le cyberespace. Mais cette science-monde tend à se diluer : Internet
est à la fois un idéal de communauté savante universelle et un univers anarchique du savoir.
La notion de « société de la connaissance » : portée et débats
Dans l'après-guerre émerge l'idée d'une société de la connaissance, qui témoigne de la prise de conscience des enjeux
stratégiques du savoir par les États, mais dont la réalité fait encore débat.
I Une société qui se recentre sur la connaissance
1- De la société de l'information…
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les progrès des technologies de l'information et de la
communication (TIC) à bas coût marquent la fin de la société industrielle et ouvrent l'ère de la société de
l'information.
Les progrès des TIC permettent une amplification des connaissances scientifiques dont on pense qu'elles apporteront
un bénéfice général à la société. Mais la technologie n'est qu'un moyen, elle ne produit pas de la connaissance par elle-
même.
2- … à l'économie du savoir
En 1969, le professeur américain Peter Drucker énonce le concept de société de la connaissance (knowledge society).
Fondée sur l'éducation de masse comme condition essentielle à une société nouvelle, elle se caractérise par la diffusion
de technologies de l'information capables d'agréger les savoirs (bases de données informatiques puis Internet), et place
la connaissance au cœur d'une économie du savoir.
Mot clé
Le terme anglais knowledge se traduit par connaissance, contenu assimilé extérieur au sujet, ou par savoir, aptitude qui
s'acquiert par l'étude ou l'expérience. Un savoir est une connaissance qui a fait l'objet d'une appropriation.
La connaissance deviendrait le capital central des entreprises au détriment du capital matériel ; l'employé typique
serait le « travailleur de la connaissance » (knowledge worker), « cerveau-d'œuvre » plus que main-d'œuvre. L'école et
les universités deviennent dans cette analyse les lieux privilégiés d'une politique de la connaissance, mais doivent se
réformer pour gagner en productivité et efficacité.
INFO
Peter Drucker (1909-2005)
Professeur de management, Peter Drucker publie en 1969 The Age of Discontinuity, qui
connaît un énorme succès. Il y promeut la connaissance, amplifiée par l'information,
comme ressource essentielle à valoriser.
II Le savoir, un capital à cultiver et protéger
1- Le savoir comme source de croissance économique
Étudiants et chercheurs sont un capital que les États cherchent à capter (brain drain) et dont ils n'hésitent pas à voler
les résultats (espionnage industriel).
Internet efface les frontières de l'espace et du temps, et remet en question le rôle historique des États dans la
production et la diffusion du savoir, remplacé par celui des firmes transnationales (FTN). La connaissance reste un
important enjeu de pouvoir tant au niveau national qu'international.
Le stockage et l'analyse de l'immense masse d'informations requièrent aujourd'hui des systèmes informatiques mis en
réseau (le cyberespace), indispensables au maintien de la compétitivité.
2- Le savoir, un capital comme les autres ?
Ce modèle fait aujourd'hui débat : dans une telle société, fruit d'une vision managériale, que deviennent ceux qui ont
moins facilement accès à la connaissance, et notamment au savoir dominant, essentiellement occidental ? Les exclus
d'Internet (zones blanches), la circulation exponentielle de la désinformation, l'inégalité de l'accès au savoir imposent
la nuance.
Dans cette dimension utilitariste de la connaissance, le savoir est instrumentalisé : la formation remplace l'instruction,
la connaissance est réduite à sa fonction économique où ne sont valorisés que les savoirs réputés utiles. Dans ce
contexte, la recherche n'est plus tournée que vers l'innovation industrielle.
, Communautés savantes et communautés scientifiques
Loin de l'érudit terré dans son laboratoire, le chercheur construit la connaissance scientifique au sein d'une
communauté, plus que jamais stratégique.
I La communauté, socle de la connaissance scientifique
1- La communauté scientifique, garante de la validité du savoir
La construction de la connaissance scientifique exige de se référer à des pairs qui légitiment les travaux de recherche
par leur évaluation au sein de comités de lecture lors de leur communication.
Les chercheurs ont donc besoin d'une communauté scientifique, ensemble des savants experts dans leur domaine,
pour enrichir leur champ de recherche, notamment par la confrontation des regards et la controverse.
La communauté savante associe les experts aux amateurs : la population se forme grâce aux scientifiques mais a
également un rôle de construction et de diffusion du savoir.
2- Communautés scientifiques et savantes dans l'histoire
Les communautés de scientifiques sont liées à l'essor des sciences dès l'Antiquité. À Alexandrie au IIIe siècle av. J.-C.,
Ptolémée Ier fait construire un Musée pour réunir les meilleurs chercheurs. À Bagdad au IX e siècle, ils sont réunis par
le calife Al-Mamun dans la Maison de la Sagesse pour échanger leurs savoirs et leur permettre d'accéder aux livres
traduits, notamment du grec.
Mais plus la recherche se spécialise, à partir du XVII e siècle, plus une communauté savante émerge pour faciliter
la diffusion des connaissances entre institutions (académies, universités) et lieux de savoir (laboratoires), entre grands
centres mondiaux et nouveaux pôles scientifiques.
L'État assure un rôle primordial pour la communauté scientifique, par son financement, sa protection ou son contrôle.
Selon les époques et les régimes, il favorise plus ou moins la science ou la censure. Le rôle des communautés de
savants est également d'aider les scientifiques à échapper aux pressions, à l'image d'une République des Lettres.
Mot clé
Dans l'Italie du XVe siècle naît la République des Lettres, idéal de collaboration libre et désintéressée entre érudits
engagés dans l'échange de savoirs, qui permettait aux savants d'échapper, au moins en théorie, au contrôle de l'Église.
II Enjeux et défis de la communauté scientifique
1- Une communauté entre coopération et concurrence
La recherche est tiraillée entre un idéal de partage universel du savoir et les ambitions des chercheurs, de leurs
laboratoires et des États qui les financent, créant de la concurrence.
La production de connaissance est parfois source de conflits entre États (guerres des brevets, récupération des
compétences), y compris au prix d'espionnage scientifique et industriel.
2- Les nouveaux défis de la communauté scientifique
Les savoirs scientifiques sont au cœur de la hiérarchie économique et politique des États, notamment par leur poids
dans la richesse des pays. La mondialisation renforce l'âpreté de la compétition internationale, notamment entre les
pays développés ou avec les pays émergents qui les défient.
La société de la connaissance place la science au cœur des intérêts : émancipée du pouvoir religieux et politique, celle-
ci risque de retomber sous l'influence du pouvoir économique. Le défi est donc de réfléchir au rôle et aux
responsabilités de la communauté scientifique et à son indépendance.
La communauté scientifique étend son réseau dans le cyberespace. Mais cette science-monde tend à se diluer : Internet
est à la fois un idéal de communauté savante universelle et un univers anarchique du savoir.