Histoire et mémoire, Histoire et justice
Histoire et mémoire
Deux notions distinctes
L’histoire est une reconstruction scientifique du passé qui se veut objective. Le travail de l’historien est de
construire un récit le plus proche possible de la vérité. L’historien périodise et contextualise des évènements :
il base son travail sur des sources variées qui évoluent (archives) et sur les travaux de ses collègues
Le mémoire est une reconstruction affective du passé, elle est subjective. Elle est une manière dont les
sociétés interprètent le passé en fonction de leurs bons présents : il n’y a pas une mémoire mais des mémoires.
Contextualiser= revient à mettre en relation des faits avec les circonstances politiques, économiques et sociales dans
lesquelles ils se sont produits.
Deux notions complémentaires
La mémoire est devenue un objet de recherche pour les historiens depuis la fin des années 1980 (Pierre Nora).
Les historiens analysent l’évolution des mémoires que les sociétés ont d’un évènement, souvent traumatique,
depuis son origine.
L’historien distingue plusieurs types de mémoire :
- La mémoire officielle celle des états, est liée à des enjeux politiques, elle se traduit par une politique
mémorielle (commémorations, mémoriaux)
- La mémoire des acteurs ils peuvent avoir des souvenirs qui s’opposent, il y a une grande diversité des
mémoires.
- La mémoire sociale c’est celle de l’opinion publique, elle évolue en fonction des préoccupations du
temps présent
Concernant la Seconde Guerre mondiale, des historiens (Henry Rousso) identifient des étapes de la mémoire,
c’est-à-dire des régimes mémoriels :
- D’abord, la mémoire est souvent refoulée par celle et ceux qui ont vécu des évènements douloureux : c’est
le temps de l’amnésie et de la mise en place d’une mémoire officielle, d’un mythe construit dans un but
politique
- Puis cette mémoire est ravivée par des témoignages, des œuvres artistiques, des travaux d’historien : c’est
le temps de l’anamnèse, de la prise de conscience
- Enfin, la troisième étape est celle de l’obsession mémorielle, l’hypermnésie qui se manifeste par la
multiplication des commémorations
Deux notions en débat
Les lois mémorielles …
Face aux mythes, l’historien doit poursuivre son travail scientifique et non répondre à un devoir de mémoire
(= l’obligation morale et civique de se souvenir d’un évènement traumatisant afin de rendre hommage aux victimes).
En 1990, la loi Gayssot fait du négationnisme un délit. Dès lors, les lois mémorielles se multiplient : sur la
reconnaissance du génocide arménien (2001), sur la traite négrière et l’esclavage qui les qualifie de crime contre
l’humanité (2001), sur les souffrances des Français rapatriés d’Afrique du Nord (2005).
Suscitent la réaction des historiens
Face à cette inflation mémorielle ; des historiens dénoncent des revendications communautaristes accusent
l’Etat de favoriser une approche émotionnelle du passé, de la criminaliser et de gêner ainsi la recherche historique. En
2005, Pierre Nora crée l’association Liberté pour l’histoire.
Un autre collectif d’historien, réunis dans le Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire (CVUH),
intervient dans les médias quand une polémique mémorielle éclate : sans s’opposer aux lois mémorielles, ils donnent
leur avis de scientifique, résument l’avancée des recherches.
Pour apaiser les tensions, une commission parlementaire préconise en 2008 de ne plus adopter de loi mémorielle.
Les lois mémorielles en France
Les lois mémorielles donnent un point de vue officiel sur les évènements historiques : si elles ont un rôle
symbolique, elles peuvent créer de nouveaux délits et accorder ainsi des droits aux victimes
Leur vote entraine la multiplication des commémorations. Le choix de la date commémorant la fin de la traite
négrière et de l’esclavage (10mai) a nécessité 18 mois de débats. Il s’est accompagné de la construction d’un
1
, monument au jardin du Luxembourg, à Paris, devant lequel s’est présenté le président François Hollande, en
2013. Le monument fait encore débat.
Les crimes contre l’humanité et de génocide
L’Histoire de deux notions juridiques
Le crime contre l’humanité : une notion ancienne (crime contre l’humanité= assassinat, extermination, réduction
en esclavage, déportation et tout autre acte inhumain commis contre les populations civiles avant ou pendant la
guerre (deff de l’ONU))
Pendant la seconde guerre mondiale, on s’interroge déjà sur la façon de nommer les massacres de masse
commis par l’Allemagne nazie. Dès 1943, Winston Churchill évoque « un crime sans nom ».
Le 8 aout 1945, l’accord de Londres établit un tribunal militaire international à Nuremberg afin de juger des
criminels nazis accusés de complot pour dominer l’Europe, de crime contre la paix (déclenchement,
organisation et poursuite du conflit), de crime de guerre (mauvais traitement des prisonniers, violence contre
les civils, pillages) et de crime contre l’humanité.
L’expression utilisé par la France et le Royaume-Uni en 1915 pour qualifier les violences commises contre les
Arméniens, n’étaient pas une notion juridique. Alors que dans sa définition, le crime contre l’humanité
recouvre le crime de guerre, le tribunal lui donne une dimension juridique nouvelle : il est le premier crime
rétroactif, car il constitue une violation grave des Droits de l’homme.
La création de la notion de génocide (= Act commis dans l’intention de détruire ou tout ou en partie, un groupe
national, ethnique, racial ou religieux)
Le juriste Raphael Lemkin élabore en 1943 le concept de génocide. Mais le tribunal militaire de Nuremberg
ne le retient pas. Les actes commis contre les juifs et les Tsiganes ne sont pas dissociés des autres crimes commis par
les nazis. C’est le 9 décembre 1948 que les Nations unies rendent officiel le concept de génocide.
Deux notions complémentaires en évolution
Les crimes contre l’humanité ne visent pas la destruction d’une population définie. Un génocide est donc une
forme de crime contre l’humanité.
Différentes autorités s’arrogent le rôle de reconnaître des génocides : des autorités politiques (parlement) et
des autorités judiciaires (tribunaux).
Les historiens peuvent identifier des génocides. Certaines d’entre eux s’opposent au fait que des
parlementaires reconnaissent officiellement un génocide et s’arrogent le droit d’écrire l’histoire.
En 1948, l’ONU fait entrer le chef d’accusation pour crime contre l’humanité dans le droit international et le
rend imprescriptible en 1968.
Trois génocides ont été reconnus par les autorités judiciaires internationales : celui des juifs et des Tsiganes
pendant la 2e GM, celui des Tutsis en 1994 et le génocide commis sur le territoire de l’ex-Yougoslavie à partir
de 1991.
D’autres génocides ont pourtant été commis. Entre 1904 et 1908, en Namibie, alors colonies allemandes,
environ 65 000 Hereros et 20 000 Namas sont massacrés par les soldats allemands pour s’être révolté contre
les colons. Ces tueries ont été organisées de façon méthodique par l’Empire Allemande qui a formulé un ordre
d’extermination : fusillades, tir sans sommation, empoisonnement de l’eau et déportation.
La Cour Pénale Internationale est aujourd’hui la seule juridiction pénale permanente et universelle. Créée
entre 1 1998 et 2002, elle précise et élargit la notion de crime contre l’humanité à la torture, au viol, à
l’apartheid et à la disparition forcée de personnes. La définition de crimes contre l’humanité est appelée à
évoluer.
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Histoire et mémoire
Deux notions distinctes
L’histoire est une reconstruction scientifique du passé qui se veut objective. Le travail de l’historien est de
construire un récit le plus proche possible de la vérité. L’historien périodise et contextualise des évènements :
il base son travail sur des sources variées qui évoluent (archives) et sur les travaux de ses collègues
Le mémoire est une reconstruction affective du passé, elle est subjective. Elle est une manière dont les
sociétés interprètent le passé en fonction de leurs bons présents : il n’y a pas une mémoire mais des mémoires.
Contextualiser= revient à mettre en relation des faits avec les circonstances politiques, économiques et sociales dans
lesquelles ils se sont produits.
Deux notions complémentaires
La mémoire est devenue un objet de recherche pour les historiens depuis la fin des années 1980 (Pierre Nora).
Les historiens analysent l’évolution des mémoires que les sociétés ont d’un évènement, souvent traumatique,
depuis son origine.
L’historien distingue plusieurs types de mémoire :
- La mémoire officielle celle des états, est liée à des enjeux politiques, elle se traduit par une politique
mémorielle (commémorations, mémoriaux)
- La mémoire des acteurs ils peuvent avoir des souvenirs qui s’opposent, il y a une grande diversité des
mémoires.
- La mémoire sociale c’est celle de l’opinion publique, elle évolue en fonction des préoccupations du
temps présent
Concernant la Seconde Guerre mondiale, des historiens (Henry Rousso) identifient des étapes de la mémoire,
c’est-à-dire des régimes mémoriels :
- D’abord, la mémoire est souvent refoulée par celle et ceux qui ont vécu des évènements douloureux : c’est
le temps de l’amnésie et de la mise en place d’une mémoire officielle, d’un mythe construit dans un but
politique
- Puis cette mémoire est ravivée par des témoignages, des œuvres artistiques, des travaux d’historien : c’est
le temps de l’anamnèse, de la prise de conscience
- Enfin, la troisième étape est celle de l’obsession mémorielle, l’hypermnésie qui se manifeste par la
multiplication des commémorations
Deux notions en débat
Les lois mémorielles …
Face aux mythes, l’historien doit poursuivre son travail scientifique et non répondre à un devoir de mémoire
(= l’obligation morale et civique de se souvenir d’un évènement traumatisant afin de rendre hommage aux victimes).
En 1990, la loi Gayssot fait du négationnisme un délit. Dès lors, les lois mémorielles se multiplient : sur la
reconnaissance du génocide arménien (2001), sur la traite négrière et l’esclavage qui les qualifie de crime contre
l’humanité (2001), sur les souffrances des Français rapatriés d’Afrique du Nord (2005).
Suscitent la réaction des historiens
Face à cette inflation mémorielle ; des historiens dénoncent des revendications communautaristes accusent
l’Etat de favoriser une approche émotionnelle du passé, de la criminaliser et de gêner ainsi la recherche historique. En
2005, Pierre Nora crée l’association Liberté pour l’histoire.
Un autre collectif d’historien, réunis dans le Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire (CVUH),
intervient dans les médias quand une polémique mémorielle éclate : sans s’opposer aux lois mémorielles, ils donnent
leur avis de scientifique, résument l’avancée des recherches.
Pour apaiser les tensions, une commission parlementaire préconise en 2008 de ne plus adopter de loi mémorielle.
Les lois mémorielles en France
Les lois mémorielles donnent un point de vue officiel sur les évènements historiques : si elles ont un rôle
symbolique, elles peuvent créer de nouveaux délits et accorder ainsi des droits aux victimes
Leur vote entraine la multiplication des commémorations. Le choix de la date commémorant la fin de la traite
négrière et de l’esclavage (10mai) a nécessité 18 mois de débats. Il s’est accompagné de la construction d’un
1
, monument au jardin du Luxembourg, à Paris, devant lequel s’est présenté le président François Hollande, en
2013. Le monument fait encore débat.
Les crimes contre l’humanité et de génocide
L’Histoire de deux notions juridiques
Le crime contre l’humanité : une notion ancienne (crime contre l’humanité= assassinat, extermination, réduction
en esclavage, déportation et tout autre acte inhumain commis contre les populations civiles avant ou pendant la
guerre (deff de l’ONU))
Pendant la seconde guerre mondiale, on s’interroge déjà sur la façon de nommer les massacres de masse
commis par l’Allemagne nazie. Dès 1943, Winston Churchill évoque « un crime sans nom ».
Le 8 aout 1945, l’accord de Londres établit un tribunal militaire international à Nuremberg afin de juger des
criminels nazis accusés de complot pour dominer l’Europe, de crime contre la paix (déclenchement,
organisation et poursuite du conflit), de crime de guerre (mauvais traitement des prisonniers, violence contre
les civils, pillages) et de crime contre l’humanité.
L’expression utilisé par la France et le Royaume-Uni en 1915 pour qualifier les violences commises contre les
Arméniens, n’étaient pas une notion juridique. Alors que dans sa définition, le crime contre l’humanité
recouvre le crime de guerre, le tribunal lui donne une dimension juridique nouvelle : il est le premier crime
rétroactif, car il constitue une violation grave des Droits de l’homme.
La création de la notion de génocide (= Act commis dans l’intention de détruire ou tout ou en partie, un groupe
national, ethnique, racial ou religieux)
Le juriste Raphael Lemkin élabore en 1943 le concept de génocide. Mais le tribunal militaire de Nuremberg
ne le retient pas. Les actes commis contre les juifs et les Tsiganes ne sont pas dissociés des autres crimes commis par
les nazis. C’est le 9 décembre 1948 que les Nations unies rendent officiel le concept de génocide.
Deux notions complémentaires en évolution
Les crimes contre l’humanité ne visent pas la destruction d’une population définie. Un génocide est donc une
forme de crime contre l’humanité.
Différentes autorités s’arrogent le rôle de reconnaître des génocides : des autorités politiques (parlement) et
des autorités judiciaires (tribunaux).
Les historiens peuvent identifier des génocides. Certaines d’entre eux s’opposent au fait que des
parlementaires reconnaissent officiellement un génocide et s’arrogent le droit d’écrire l’histoire.
En 1948, l’ONU fait entrer le chef d’accusation pour crime contre l’humanité dans le droit international et le
rend imprescriptible en 1968.
Trois génocides ont été reconnus par les autorités judiciaires internationales : celui des juifs et des Tsiganes
pendant la 2e GM, celui des Tutsis en 1994 et le génocide commis sur le territoire de l’ex-Yougoslavie à partir
de 1991.
D’autres génocides ont pourtant été commis. Entre 1904 et 1908, en Namibie, alors colonies allemandes,
environ 65 000 Hereros et 20 000 Namas sont massacrés par les soldats allemands pour s’être révolté contre
les colons. Ces tueries ont été organisées de façon méthodique par l’Empire Allemande qui a formulé un ordre
d’extermination : fusillades, tir sans sommation, empoisonnement de l’eau et déportation.
La Cour Pénale Internationale est aujourd’hui la seule juridiction pénale permanente et universelle. Créée
entre 1 1998 et 2002, elle précise et élargit la notion de crime contre l’humanité à la torture, au viol, à
l’apartheid et à la disparition forcée de personnes. La définition de crimes contre l’humanité est appelée à
évoluer.
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