Histoire du droit pénal
INTRODUCTION
Le discours médiatique et politique s’est imposé une expression qui est celle de l’« ensauvagement
de la société », or les anthropologues nous apprennent que si l’État est apparu, c’est pour une raison
simple et importante : la protection du groupe social.
Les philosophes du contrat social, comme Hobbes, affirment que, depuis que la France existe, il y a
la conviction que nos gouvernants ont une « dette de justice » envers les gouvernés.
Citation d’un écrivain français, Maurice Barrès : « Où manque la force, le droit disparaît. »
« Où apparaît la force, le droit commence à rayonner. »
L’État détient le monopole de la violence physique légitime.
Cela veut dire que l’État est le seul pouvoir qui a le droit de contraindre les citoyens, mais dans le
mot légitime, il y a le mot lex (latin = loi).
Conclusion : La puissance de l’État doit être exercée conformément au droit.
C’est le droit qui contient les règles pénales de procédure ; c’est le droit qui renferme aussi le droit
pénal de fond. Mais la légitimité du droit pénal vient aussi de l’histoire, de la conception sociale et
politique, car la justice n’est pas une question d’organisation. Notre système pénal a évolué jusqu’à
aujourd’hui et, en l’observant dans la durée, on se rend compte qu’il est un point d’équilibre entre
deux objectifs a priori contraires :
1. La nécessité de protection du groupe social à travers le respect de l’ordre public,
2. La préservation des libertés individuelles à travers la prise en compte des droits de la
défense.
CHAPITRE préliminaire : La justice pénale à l’époque romaine
RAPPEL chronologique :
L’histoire romaine a duré 12 siècles et, au cours de cette période, plusieurs systèmes politiques se
sont succédé, chacun ayant apporté quelque chose à l’organisation judiciaire.
• 1ère phase : la royauté (elle débute avec la fondation légendaire de la ville de Rome en -753
et s’achève avec la révolution de -509, au cours de laquelle les derniers rois ont été
expulsés).
• 2ème phase : La République de -509 jusqu’en -27 avec la prise du pouvoir par Auguste. Le
dernier siècle de la République a été l’époque des guerres civiles.
• 3ème phase : l’Empire, qui commence en -27 et se termine en 476 avec la destitution du
dernier empereur romain. L’Empire se divise en deux phases : le Haut Empire (une sorte de
monarchie modérée, dans laquelle on conserve certains vestiges de la République) et le Bas
Empire (à partir du 3ème siècle, qui a été une véritable monarchie absolue où l’empereur est
maître des hommes et des choses).
À partir du 3ème siècle, il y a eu des vagues d’invasion qu’ils auront de plus en plus de mal
à repousser. À partir du 4ème siècle, l’Empire deviendra chrétien et universel.
Le sujet du cours : Évolution du droit et des juridictions pénales au cours de l’histoire.
Section 1 : L’évolution et l’organisation de la répression
Plus on avance dans le temps, moins la justice est démocratique et plus elle devient administrative.
,Paragraphe 1 : Des magistrats supérieurs contrôlés par le peuple
Les magistrats supérieurs concernent la période de la République.
À l’époque, un magistrat est une personne qui occupe un poste public, politique, administratif ou
judiciaire et qui est élu pour cela.
La justice répressive est rendue par des magistrats supérieurs qui détiennent deux choses :
l’imperium (la puissance suprême de commandement, à la fois militaire et civile) et la coercitio (le
pouvoir de contrainte), c’est-à-dire qu’ils rendent la justice criminelle.
Deux types de magistrats supérieurs :
1. Les consuls de la République
2. Les préteurs, qui sont de vrais juges. (Justice pénale sous la République romaine)
Ils ont des pouvoirs importants, suivant qu’on juge des citoyens ou des non-citoyens.
Non-citoyens : Le pouvoir du juge est à peu près absolu. La procédure est expéditive, rapide
et peu soumise à la procédure. Cela est donc moins protecteur des individus, avec un juge
unique.
À l’égard du citoyen : Le pouvoir du juge est limité, car tout se fait en public. Le juge agit
sous le contrôle d’une assemblée du peuple qu’on appelle les comices centuriates lorsqu’il
s’agit de crimes publics. Si une peine de mort est prononcée, il est possible de faire appel
devant cette assemblée. Tant que ce ne sont pas des crimes graves ou des infractions portant
fortement atteinte à l’ordre public, ce sont des juges civils qui sont compétents et, le plus
souvent, prononcent des peines pécuniaires (argent).
Le magistrat cite le prévenu à comparaître devant lui. Pour être sûr de sa présence, on exige
de lui la fourniture d’une caution (des personnes qui s’engagent à présenter l’accusé). En cas
de non-comparution, c’était la caution qui subissait la peine prévue par les textes.
Paragraphe 2 : Les jurys criminels
Le jury, ce n’est pas celui d’aujourd’hui. Un jury à Rome est une juridiction spécialisée dans un
certain type d’affaire et qui mène une existence éphémère, le temps de ramener la criminalité à un
niveau acceptable.
On appelle ce jury la quaestio (au pluriel quaestiones), le tout premier ayant été créé sous la
République en -149 afin de réprimer les détournements de fonds commis par les détenteurs du
pouvoir.
Exemple célèbre : En -70, Verrès termine tout juste son mandat de gouverneur de la Sicile. Dès son
départ, toutes les villes de l’île, sauf deux, portent plainte contre lui pour avoir abusé de ses
pouvoirs et s’être enrichi à leur dépend. Les habitants vont porter un jeune avocat, Cicéron, pour
porter l’accusation. Le premier jour d’audience, sa plaidoirie est brillante et son attaque si bien
menée que Verrès sait qu’il est perdu. Il va s’enfuir de nuit pour échapper aux poursuites, se
réfugiant à Marseille. Il y a eu procès par contumace, une amende de 40 millions de sesterces et la
restitution de tout ce qui a été volé.
D’autres types de tribunaux spécialisés dans différents domaines vont être créés.
C’est un jury qui concernait la chasteté des vestales, des prêtresses consacrant leur vie à la Bonne
Déesse, et leur rite se déroulait dans la maison de Jules César, car il était le grand Pontife
responsable des différents cultes.
En -61, un jeune homme, Clodius, fait de la politique et se déguise en joueuse de harpe pour
pénétrer dans la maison de César et la violer. Il va être jugé devant cette juridiction, risquant l’exil
ou la mort, mais il jouera ses relations pour sortir les mains vides du tribunal.
, Limites des tribunaux :
1. On pouvait acheter les juges et/ou utiliser des relations dans la justice.
2. La justice criminelle fonctionnait sur la base d’un citoyen qui devait se porter accusateur. Si
personne ne se manifestait, il n’y avait pas de procès.
Jules César va essayer de rendre ces juridictions plus efficaces, notamment en durcissant les
peines qu’elles peuvent appliquer, et en les rendant permanentes.
La procédure :
La procédure était accusatoire, le juge étant en retrait au cours du procès et ne faisant que veiller au
bon déroulement des débats. Ce sont les parties, la défense et l’accusation, qui avaient le rôle
principal pour avancer et discuter les moyens de défense et les preuves.
On comptait sur le civisme des citoyens pour dénoncer les actes délictueux et soutenir l’accusation.
Le risque était donc celui d’accusations mensongères. Une fois le procès prononcé, l’accusateur ne
pouvait plus se rétracter. Pour éviter les abus, on faisait prêter à l’accusateur un serment, le serment
de la calomnie. La sanction des menteurs a évolué au fil du temps. À l’époque de l’empereur
Constantin (1ère moitié du 4ème siècle), la peine de rétorsion a été instaurée. On appliquait à
l’accusateur menteur la sanction encourue par l’accusé. On lui gravait la lettre K sur le front.
Pourquoi K ? K pour le kaloumnia en grec (calomnie). C’est donc un casier judiciaire sur le front, le
rendant inaudible.
Les sanctions étaient la mort, mais le plus souvent l’exil, la perte de la citoyenneté ainsi que la
confiscation des biens.
Paragraphe 3 : Le jugement par les fonctionnaires impériaux
Lorsqu’il prend le pouvoir en -27 sous le nom d’Auguste (neveu adoptif de César), il se fait
attribuer tout de suite l’exercice de la justice publique. L’empereur est donc le juge suprême de son
Empire. Comme il est partout à la fois, il va désigner des juges fonctionnaires qui dépendent de lui
pour rendre la justice en son nom.
Ces juges fonctionnaires sont de cinq sortes :
1. Le préfet de la ville : il rend la justice à Rome et dans un rayon de plusieurs kilomètres
autour de la capitale.
2. Le préfet du prétoire : il rend la justice dans le reste de l’Italie.
3. Les vigiles urbains : responsables de la police et de la lutte contre les incendies, ils peuvent
aussi juger les malfaiteurs.
4. Les annonnes : magistrats chargés de l’approvisionnement en nourriture, ils répriment les
délits dans ce domaine.
5. Les gouverneurs des provinces.
Autres nouveautés en matière pénale :
1. Sous l’Empire, le droit pénal se construit à partir d’une nouvelle source du droit : les
rescrits. Les rescrits sont des échanges de correspondance entre l’empereur et ses juges
administrateurs, qui lui posent des questions de droit pénal apparaissant au cours du
traitement d’un dossier, et l’empereur leur fait répondre par ses bureaux.
2. On cherchera à mieux préserver l’ordre public de différentes manières :
INTRODUCTION
Le discours médiatique et politique s’est imposé une expression qui est celle de l’« ensauvagement
de la société », or les anthropologues nous apprennent que si l’État est apparu, c’est pour une raison
simple et importante : la protection du groupe social.
Les philosophes du contrat social, comme Hobbes, affirment que, depuis que la France existe, il y a
la conviction que nos gouvernants ont une « dette de justice » envers les gouvernés.
Citation d’un écrivain français, Maurice Barrès : « Où manque la force, le droit disparaît. »
« Où apparaît la force, le droit commence à rayonner. »
L’État détient le monopole de la violence physique légitime.
Cela veut dire que l’État est le seul pouvoir qui a le droit de contraindre les citoyens, mais dans le
mot légitime, il y a le mot lex (latin = loi).
Conclusion : La puissance de l’État doit être exercée conformément au droit.
C’est le droit qui contient les règles pénales de procédure ; c’est le droit qui renferme aussi le droit
pénal de fond. Mais la légitimité du droit pénal vient aussi de l’histoire, de la conception sociale et
politique, car la justice n’est pas une question d’organisation. Notre système pénal a évolué jusqu’à
aujourd’hui et, en l’observant dans la durée, on se rend compte qu’il est un point d’équilibre entre
deux objectifs a priori contraires :
1. La nécessité de protection du groupe social à travers le respect de l’ordre public,
2. La préservation des libertés individuelles à travers la prise en compte des droits de la
défense.
CHAPITRE préliminaire : La justice pénale à l’époque romaine
RAPPEL chronologique :
L’histoire romaine a duré 12 siècles et, au cours de cette période, plusieurs systèmes politiques se
sont succédé, chacun ayant apporté quelque chose à l’organisation judiciaire.
• 1ère phase : la royauté (elle débute avec la fondation légendaire de la ville de Rome en -753
et s’achève avec la révolution de -509, au cours de laquelle les derniers rois ont été
expulsés).
• 2ème phase : La République de -509 jusqu’en -27 avec la prise du pouvoir par Auguste. Le
dernier siècle de la République a été l’époque des guerres civiles.
• 3ème phase : l’Empire, qui commence en -27 et se termine en 476 avec la destitution du
dernier empereur romain. L’Empire se divise en deux phases : le Haut Empire (une sorte de
monarchie modérée, dans laquelle on conserve certains vestiges de la République) et le Bas
Empire (à partir du 3ème siècle, qui a été une véritable monarchie absolue où l’empereur est
maître des hommes et des choses).
À partir du 3ème siècle, il y a eu des vagues d’invasion qu’ils auront de plus en plus de mal
à repousser. À partir du 4ème siècle, l’Empire deviendra chrétien et universel.
Le sujet du cours : Évolution du droit et des juridictions pénales au cours de l’histoire.
Section 1 : L’évolution et l’organisation de la répression
Plus on avance dans le temps, moins la justice est démocratique et plus elle devient administrative.
,Paragraphe 1 : Des magistrats supérieurs contrôlés par le peuple
Les magistrats supérieurs concernent la période de la République.
À l’époque, un magistrat est une personne qui occupe un poste public, politique, administratif ou
judiciaire et qui est élu pour cela.
La justice répressive est rendue par des magistrats supérieurs qui détiennent deux choses :
l’imperium (la puissance suprême de commandement, à la fois militaire et civile) et la coercitio (le
pouvoir de contrainte), c’est-à-dire qu’ils rendent la justice criminelle.
Deux types de magistrats supérieurs :
1. Les consuls de la République
2. Les préteurs, qui sont de vrais juges. (Justice pénale sous la République romaine)
Ils ont des pouvoirs importants, suivant qu’on juge des citoyens ou des non-citoyens.
Non-citoyens : Le pouvoir du juge est à peu près absolu. La procédure est expéditive, rapide
et peu soumise à la procédure. Cela est donc moins protecteur des individus, avec un juge
unique.
À l’égard du citoyen : Le pouvoir du juge est limité, car tout se fait en public. Le juge agit
sous le contrôle d’une assemblée du peuple qu’on appelle les comices centuriates lorsqu’il
s’agit de crimes publics. Si une peine de mort est prononcée, il est possible de faire appel
devant cette assemblée. Tant que ce ne sont pas des crimes graves ou des infractions portant
fortement atteinte à l’ordre public, ce sont des juges civils qui sont compétents et, le plus
souvent, prononcent des peines pécuniaires (argent).
Le magistrat cite le prévenu à comparaître devant lui. Pour être sûr de sa présence, on exige
de lui la fourniture d’une caution (des personnes qui s’engagent à présenter l’accusé). En cas
de non-comparution, c’était la caution qui subissait la peine prévue par les textes.
Paragraphe 2 : Les jurys criminels
Le jury, ce n’est pas celui d’aujourd’hui. Un jury à Rome est une juridiction spécialisée dans un
certain type d’affaire et qui mène une existence éphémère, le temps de ramener la criminalité à un
niveau acceptable.
On appelle ce jury la quaestio (au pluriel quaestiones), le tout premier ayant été créé sous la
République en -149 afin de réprimer les détournements de fonds commis par les détenteurs du
pouvoir.
Exemple célèbre : En -70, Verrès termine tout juste son mandat de gouverneur de la Sicile. Dès son
départ, toutes les villes de l’île, sauf deux, portent plainte contre lui pour avoir abusé de ses
pouvoirs et s’être enrichi à leur dépend. Les habitants vont porter un jeune avocat, Cicéron, pour
porter l’accusation. Le premier jour d’audience, sa plaidoirie est brillante et son attaque si bien
menée que Verrès sait qu’il est perdu. Il va s’enfuir de nuit pour échapper aux poursuites, se
réfugiant à Marseille. Il y a eu procès par contumace, une amende de 40 millions de sesterces et la
restitution de tout ce qui a été volé.
D’autres types de tribunaux spécialisés dans différents domaines vont être créés.
C’est un jury qui concernait la chasteté des vestales, des prêtresses consacrant leur vie à la Bonne
Déesse, et leur rite se déroulait dans la maison de Jules César, car il était le grand Pontife
responsable des différents cultes.
En -61, un jeune homme, Clodius, fait de la politique et se déguise en joueuse de harpe pour
pénétrer dans la maison de César et la violer. Il va être jugé devant cette juridiction, risquant l’exil
ou la mort, mais il jouera ses relations pour sortir les mains vides du tribunal.
, Limites des tribunaux :
1. On pouvait acheter les juges et/ou utiliser des relations dans la justice.
2. La justice criminelle fonctionnait sur la base d’un citoyen qui devait se porter accusateur. Si
personne ne se manifestait, il n’y avait pas de procès.
Jules César va essayer de rendre ces juridictions plus efficaces, notamment en durcissant les
peines qu’elles peuvent appliquer, et en les rendant permanentes.
La procédure :
La procédure était accusatoire, le juge étant en retrait au cours du procès et ne faisant que veiller au
bon déroulement des débats. Ce sont les parties, la défense et l’accusation, qui avaient le rôle
principal pour avancer et discuter les moyens de défense et les preuves.
On comptait sur le civisme des citoyens pour dénoncer les actes délictueux et soutenir l’accusation.
Le risque était donc celui d’accusations mensongères. Une fois le procès prononcé, l’accusateur ne
pouvait plus se rétracter. Pour éviter les abus, on faisait prêter à l’accusateur un serment, le serment
de la calomnie. La sanction des menteurs a évolué au fil du temps. À l’époque de l’empereur
Constantin (1ère moitié du 4ème siècle), la peine de rétorsion a été instaurée. On appliquait à
l’accusateur menteur la sanction encourue par l’accusé. On lui gravait la lettre K sur le front.
Pourquoi K ? K pour le kaloumnia en grec (calomnie). C’est donc un casier judiciaire sur le front, le
rendant inaudible.
Les sanctions étaient la mort, mais le plus souvent l’exil, la perte de la citoyenneté ainsi que la
confiscation des biens.
Paragraphe 3 : Le jugement par les fonctionnaires impériaux
Lorsqu’il prend le pouvoir en -27 sous le nom d’Auguste (neveu adoptif de César), il se fait
attribuer tout de suite l’exercice de la justice publique. L’empereur est donc le juge suprême de son
Empire. Comme il est partout à la fois, il va désigner des juges fonctionnaires qui dépendent de lui
pour rendre la justice en son nom.
Ces juges fonctionnaires sont de cinq sortes :
1. Le préfet de la ville : il rend la justice à Rome et dans un rayon de plusieurs kilomètres
autour de la capitale.
2. Le préfet du prétoire : il rend la justice dans le reste de l’Italie.
3. Les vigiles urbains : responsables de la police et de la lutte contre les incendies, ils peuvent
aussi juger les malfaiteurs.
4. Les annonnes : magistrats chargés de l’approvisionnement en nourriture, ils répriment les
délits dans ce domaine.
5. Les gouverneurs des provinces.
Autres nouveautés en matière pénale :
1. Sous l’Empire, le droit pénal se construit à partir d’une nouvelle source du droit : les
rescrits. Les rescrits sont des échanges de correspondance entre l’empereur et ses juges
administrateurs, qui lui posent des questions de droit pénal apparaissant au cours du
traitement d’un dossier, et l’empereur leur fait répondre par ses bureaux.
2. On cherchera à mieux préserver l’ordre public de différentes manières :