La philosophie politique de Machiavel
Ce qui intéresse Machiavel, c'est le passage de l'homme privé à l'homme public (l'homme politique).
La nature du Prince est double : « Il y a deux manières de combattre, l'une par les lois, l'autre par la force : la
première sorte est propre aux hommes, la seconde propre aux bêtes : mais comme la première bien souvent ne
suffit pas, il faut recourir à la seconde. » Le Prince est double, homme et bête. Dans sa bestialité, il est à la fois
renard et lion. C’est la ruse qui assure l'unité entre la nature humaine et la nature bestiale, en donnant un aspect
humain, généreux, fidèle en apparence. La nature humaine n'est, finalement, qu'apparence.
Il faut savoir rentrer dans le mal selon un raisonnement qui fait d'un moyen violent une nécessité, voire une forme
d'humanité, s'il empêche de plus grands maux (≠ chirurgie).
La nature du Prince ne saurait être une : elle doit garantir une plasticité indéfinie de son âme, battant son pire
ennemi, l'habitude, l'habitus qui serait le courage, la magnanimité. En quittant l'habitus, en pouvant choisir la voie
du mal, il pourra répondre à la nécessité => c’est « l'entendement prêt à tourner selon que les vents de fortune et
variations des choses lui commandent ».
D'ailleurs on note cette duplicité au sein même de l'homme privé qui sera tantôt grave, tantôt voluptueux par
exemple, selon la nature qui est elle-même changeante.
La volonté ne doit pas réduire ces divergences en une unité harmonieuse selon la raison => elle doit briser ce qui
rendrait pénible la poursuite de la Fortune (de la nécessité) chez l'homme public et de la Nature chez l'homme
privé. En effet, ce n'est qu'en ouvrant son âme à la variabilité infinie de la Fortune et de la Nature, que le Prince
garantit son pouvoir.
La ruse répond à l'essence de la situation politique et est plus efficace pour s'élever à la condition d'homme
public, quand on ne le fait ni par hérédité ni par donation => la conspiration.
Pour expliquer ce passage obligatoire de l’homme privé à l'homme public, il faut voir que « les hommes d'une
certaine qualité ne peuvent pas choisir de se tenir à l'écart, lors même que ce serait leur vrai choix et qu'ils
n'auraient nulle ambition ». D’abord, il est quasi impossible de ne pas avoir d'ambition pour un homme
d'excellence, et elle est justifiée si elle est proportionnée. Ensuite, le pouvoir a toujours un soupçon à l'égard des
hommes d'excellence, ainsi la ruse devient le moyen de déjouer ce soupçon, c'est une réplique à la nécessité. Or,
plus on ruse pour éviter le soupçon du pouvoir en place, plus notre condition sociale devient visible puisque il doit
convertir sa ruse en ruse d'attaque pour éviter les pressions du pouvoir, ce qui à son tour justifie les craintes du
pouvoir. D’où l'idée d'une nécessité qui pousse l'homme d'excellence à ruser et à conspirer : pour se défendre
d'un soupçon injustifié, il est conduit à la justifier, en même temps qu'il acquiert une condition supérieure.
Exemple : Brutus.
Même une fois le pouvoir acquis, cette défense constante ne disparaît pas puisqu'il faut faire face à la menace des
autres princes et sujets, quel que soit le régime en place.
Les mécanismes de la ruse
À la question de savoir comment Rome avait crû, Tite-Live répond que ce fut grâce au hasard plus qu'à la vertu.
Mais la vraie raison pour Machiavel est qu'il y a une ruse objective de la force, qui fut celle de Rome, qui est
cachée aux yeux de qui est trop puissant (Carthage) pour la craindre et qui divise ceux qui sont assez puissants
pour percevoir sa menace.
La nécessité dirige vers un but qui n'était peut-être pas celui désiré par le pays et force à s'agrandir malgré le but
de l'institution ; de la même façon que tout homme de qualité était un conspirateur, chaque État est une